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Genre et Paix en R. D. Congo dans le cadre de la Résolution 1325

jeudi 11 juin 2009, par webmaster

Innocente Bakanseka, consultante en genre et DDR, présente l’expérience de la RD. Congo dans les opérations du Plan National de DDR (Désarmement, démobilisation et réinsertion).

La Résolution 1325 : une dynamique de la consolidation de la paix

Un des objectifs du Millénaire pour le développement vise à promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. C’est ainsi que le Conseil de Sécurité des Nations Unies dans sa résolution 1325 du 31 octobre 2000 appelle toutes les parties prenantes au processus DDR à prendre en compte les besoins des femmes et des filles au moment de la planification.
Trois axes essentiels :

  1. La prise de conscience du GENRE dans tous les aspects des initiatives de pacification particulièrement la démobilisation et la réintégration.
  2. La participation active des femmes aux activités de désarmement
  3. L’information et de la formation des femmes à cette responsabilité

Genre et Plan National DDR dans l’expérience de la R. D. Congo

Dans le cadre du Plan National DDR (désarmement, de démobilisation et de réinsertion) en R. D. Congo, l’analyse de la situation sous l’angle de la dimension genre en DDR ne signifie pas seulement l’inclusion des femmes dans le processus. Il s’agit de reconnaître que les femmes et les hommes n’ont pas été impliqués de la même manière dans les conflits ; que ces conflits ont affecté de manière différente les femmes et les hommes, les garçons et les filles et que les uns et les autres ont vécu différemment les violences et les violations de leurs droits pendant la guerre.

Il suffit de rappeler les cas des violences sexuelles particulièrement infligées aux femmes et aux filles et qui sans nul doute ont provoqué des blessures graves tant physiques, psychiques que sociales. A toutes les étapes du processus DDR, l’analyse par genre est une démarche pour mieux prendre en considération ces spécificités propres et permettre d’élaborer des stratégies et programmes d’actions pertinents et ciblant des besoins réels. C’est une question de justice et d’équité puisque les femmes et les hommes ont des besoins spécifiques et des rôles respectifs à jouer.


Place et rôle de la femme dans les opérations de DDR en RDC

Dans la mise en œuvre du Plan National DDR, quatre catégories des femmes ont été identifiées :

  1. Les femmes combattantes ayant pris des armes pour combattre aux côtés des hommes : présence plus remarquée dans les rangs des forces armées régulières ;
  2. Les femmes plus nombreuses dans les groupes armés et milices et qui ont joué des rôles multiples, notamment en tant que : porteuses, messagères, informatrices, féticheuses, esclaves sexuelles, mariées de force, cuisinières, caches d’armes, etc. Cette catégorie a emmené la CONADER à développer le concept de « Femmes associées aux forces et groupes armés » en vue de leur faciliter l’accès aux bénéfices du PN DDR ;
  3. Les dépendants des ex combattants : enfants filles et épouses des militaires ;
  4. Les femmes des communautés de réinsertion des ex combattants et des organisations de la société civile, qui habituellement jouent un rôle social clé, particulièrement en ce qui concerne la prévention du recrutement des enfants (surtout des filles), la réconciliation, la restauration de la paix et le soutien humanitaire.

Il est à noter que la première catégorie, bien que « bénéficiaire directe » des opérations de DDR a été très faiblement atteinte au regard des statistiques de la démobilisation (seulement 2 610 sur 102 148 ex combattants démobilisés), parce que les positions qu’elles occupaient au sein des forces et groupes armés, les attitudes et comportements des commandants, la faible capacité technique et le manque d’outils appropriés les ont maintenues dans la marginalisation et les ont rendues inaccessibles.

En ce qui concerne les dépendants, le budget du Plan National DDR ne prévoyait pas leur prise en charge. Mais les femmes et les enfants pouvaient bénéficier de la nourriture et du transport vers le milieu de réinsertion de l’ex combattant responsable.

L’appui à la réinsertion était ciblé sur l’individu ex combattant, ignorant les besoins de la communauté d’accueil et compromettant ainsi les chances d’une réinsertion sociale pacifique et d’une véritable réconciliation. Ceci compromettait également la relance substantielle des activités économiques du milieu.

Le manque de synergie avec les autres programmes humanitaires (services de santé, eau et assainissement du milieu, éducation, etc.) et de développement est un autre facteur aggravant la faiblesse du PN DDR dans la prise en charge suffisante des besoins des filles et des femmes affectées par les conflits.
Consciente de cette problématique, la Commission Nationale de Démobilisation et Réinsertion (CONADER), en partenariat avec le PNUD, l’UNIFEM et la MONUC se sont engagés à rendre plus visible les femmes combattantes et celles associées aux forces et groupes armés à toutes les phases du processus de DDR de manière à faciliter leur accès aux bénéfices du programme.

Actions genre dans le programme DDR

- Du point de vue institutionnel, la structure de coordination du PN DDR a veillé à la présence des femmes dans l’équipe dirigeante (CG 2/7, Bureaux Provinciaux 5/11, Centres d’Orientation 10/33).
- Recrutement d’un consultant chargé du genre à la Coordination générale et déploiement des chargés du genre dans tous les Centres d’Orientation où se déroulaient les opérations d’identification, d’orientation et de choix individuel pour l’intégration dans l’armée ou pour la démobilisation vers la vie civile.

• Intégration des items spécifiques aux filles et aux femmes dans la composition des kits civils des démobilisés (bandes hygiéniques, pagnes, slips, kit bébé, lait de beauté, etc.)

• Aménagement du site d’hébergement spécifique pour les filles et les femmes dans les centres d’orientation.

• Mise sur pied d’un groupe technique Genre et DDR opérationnel composé des partenaires et des cadres de la CONADER.

• Production des outils d’identification et de suivi des femmes associées aux forces et groupes armés (FAFGA)

• Intégration systématique de la stratégie de prise en compte du genre dans l’analyse des projets de réinsertion. A cet effet, il était impératif que la cellule chargée du genre participe à l’exercice d’analyse de ces projets pour s’assurer de la prise en compte des besoins spécifiques des femmes et des hommes dans les communautés d’accueil où l’on trouve également un nombre important des filles et femmes dites « auto démobilisées » et qui, pour des raisons diverses (craintes de représailles, pudeur, peur d’être stigmatisées, traumatismes,…) préfèrent ne pas être identifiées.

Madame Innocente Bakanseka
Consultante en Genre et DDR
(Communication au Colloque des Experts au Forum de Premières Dames Africaines, Congo Brazza, le 11/02/2008)