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Libérer la femme pour libérer l’homme : condition fondamentale d’une parité efficace, Félicita Mpala (Ière partie)

dimanche 4 octobre 2020, par Albertine

Félicita Mpala, philosophe congolaise, a consacré sa recherche à "l’éducation de la femme et développement en République démocratique du Congo, dans une relecture de la pensée d’Albertine Tshibilondi". Elle nous livre, dans cet article, sa réflexion sur la libération de la femme comme condition de la libération de l’homme en vue d’une parité efficace. Quel bilan pour les combats des femmes congolaises ?

La parité homme-femme, pourquoi ce choix ?

Permettez-moi de commencer par rappeler cette réflexion du Président Américain Franklin Delano Roosvelt qui disait : « Il y a quelque chose de pire dans la vie que de n’avoir pas réussi : c’est de n’avoir pas essayé [1] ». C’est pourquoi à travers cette communication, j’ai tenté de réfléchir sur un sujet qui porte sur la parité ou les relations humaines, sociales et conviviales entre l’homme et la femme. D’où le titre : « Libérer la femme pour libérer l’homme : condition fondamentale d’une parité efficace [2] ».

Principales articulations :

- Dans un premier volet, je tenterai d’esquisser ou de présenter brièvement le bilan ou l’évaluation des combats des femmes ; c’est-à-dire j’essayerai avec modestie de relever quelques points positifs qui témoignent de la collaboration de certains hommes soucieux de soutenir la lutte des femmes pour leur émancipation.
- Dans un deuxième volet, je présenterai quelques faits ou actes qui ternissent l’image de la femme ; c’est-à-dire la perception de la femme vue à travers le prisme de la société.
- Dans un troisième moment, j’aborderai le point cible de cette communication qui s’intitule « Libérer la femme pour libérer l’homme : condition fondamentale d’une parité efficace » Et je terminerai par une brève conclusion.

I. Bilan des combats des femmes en République Démocratique du Congo

Quelques points positifs qui retracent brièvement les combats entreprises par les femmes en collaboration avec certains hommes soucieux de soutenir leur émancipation.
-  L’éveil de conscience lié à la place qui revient à la femme dans la société actuelle,
-  L’image négative de la société sur la femme qui tend à disparaître progressivement sur les plans socio-culturel, économique et politique voire religieux,
-  La forte scolarisation des filles de nos jours que par le passé comme le démontre Albertine Tshibilondi dans son livre "Enjeux de l’éducation de la femme en Afrique. Cas des femmes congolaises..." [3],
-  La promotion de l’éducation et la formation des filles par leurs parents ou des femmes mariées par leurs maris en dépit de la mentalité qui voudrait exclure les femmes de la sphère de l’instruction sous prétexte que leurs études ne profitent à personne,
-  Modification de la loi sur l’autorisation maritale pour le travail d’une femme mariée même si cette loi reste dans certains cas une lettre morte quant à son application. La Constitution de la transition de la République Démocratique du Congo de 2003, article 51 prônait l’égalité entre l’homme et la femme et l’élimination de la discrimination à l’égard de la femme.
- En 2005, le texte de la Constitution de transition (2003) a été actualisé et amendé dans l’article 14 de la Constitution. Il prône l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et inscrit la parité homme-femme au sein de toutes les institutions [4], en stipulant :
"Les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits.
Ils prennent, dans tous les domaines, notamment dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel, toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation.
Ils prennent des mesures pour lutter contre toute forme de violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie privée.
La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales.
L’État garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions.
La loi fixe les modalités d’application de ces droits".
-  La contribution de certaines femmes de la même manière que leurs maris à la survie de leurs familles sans dépendre totalement de leurs partenaires, c’est-à-dire qu’elles ne veulent plus demeurer dans la mentalité qui est en vogue et qui voudrait que les femmes soient entretenues, c’est-à-dire vivant continuellement sous la dépendance de leurs maris,
-  Certaines femmes jouent leur rôle d’antan des conseillères dans l’ombre au grand jour, en d’autres termes, elles deviennent des conseillères visibles, influentes contrairement à ce que prônait le message de la femme zaïroise à la Nation à l’occasion du 8 mars 1995 [5],
-  La conciliation des activités ménagères avec les activités professionnelles,
-  La maternité n’est plus la condition de la considération de la femme dans certains contextes,
Dans les entreprises
-  De nos jours, certaines femmes participent aux instances de prise des décisions dans les regroupements sociaux. Elles sont des responsables et font preuve d’une bonne gestion des biens et des personnes. C’est ce que nous montre l’étude menée par Lisasi Yoha dans : « Appréciation du travail des femmes par leurs collègues dans quelques entreprises privées de Kisangani [6] ». Tout en se posant des questions sur le travail des femmes, Lisasi a distingué les domaines où les femmes sont mieux appréciées par leurs collègues hommes de ceux où elles ne sont pas appréciées. Elle a abouti aux résultats selon lesquels les femmes contribuent au même titre que leurs collègues masculins au bon fonctionnement des entreprises et que le travail effectué par elles, conduit à atteindre les objectifs attendus.
Dans les domaines scientifique, de la défense, sportif...
- Dans le domaine de la recherche scientifique, il y a des femmes professeures et chercheuses dans divers domaines. Citons ici le cas de Thérèse Kirongozi, inventrice en 2013 des robots policiers au service de la circulation routière dans la ville de Kinshasa [7]). Il y a également de plus en plus quelques femmes dans le monde de sport (par exemple la participation des congolaises au championnat de football féminin) y compris dans les arts martiaux, haltérophilie. On trouve aussi des femmes dans l’armée, la police.

La parité : un défi mondial

Au regard de ce qui précède, je constate qu’à l’heure actuelle, certaines femmes n’ont pas encore bénéficié de la promotion initiée par l’Occident au même titre que l’homme. L’Occident a initié la formation par le biais de l’école à tous les niveaux. Le constat amer, c’est que la femme n’est restée dans la plupart des cas que dans ses rôles naturels. Même si l’on constate ça et là quelques avancées. Et même en Occident, la question de la parité n’est pas encore acquise à cent pour cent ; autrement l’Union européenne, les gouvernements nationaux, les universités et les entreprises n’insisteraient pas sur le nombre des femmes à engager pour marquer cette parité. Tous les gouvernements européens fournissent actuellement l’effort d’avoir autant de femmes dans des postes ministériels et quand cela n’est pas fait ; ils sont critiqués. C’est aussi l’effort qui se déploie dans les partis politiques de ces mêmes pays lorsqu’ils s’efforcent à désigner des femmes pour être présidentes des partis politiques.
Dans un article sur « la présence des femmes en politique : où en est l’Europe ? » ;
Patricia Vasquez Lopez affirme :
« Pourtant, l’égalité entre les femmes et les hommes dans la prise de décision reste largement sous-représentée. Mais qu’en est-il de la présence politique des femmes en Europe ? Depuis la signature du traité de Rome, en 1957, et du traité d’Amsterdam, en 1997, l’égalité entre les hommes et les femmes constitue un droit fondamental et une des valeurs communes parmi les pays membres de l’Union européenne (UE). En 2006, la Commission européenne avait décidé de rendre ce domaine une priorité d’action en présentant sa Feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes [8] ».
Une chose est sûre, ajoute-t-elle : « des nouvelles mesures stratégiques doivent être mises en place afin d’encourager un équilibre sur la participation des hommes et des femmes au plan politique et notamment sur le plan démocratique [9] ».

Dans cette optique, examinons à la lumière de ce qui se passe au sein de notre société, certains faits et habitudes qui ternissent l’image et le rôle de la femme en RD Congo. (lire la suite II°partie)
Félicita Mpala Numbi

Brève présentation de l’auteure :

Félicita Mpala Numbi est religieuse de la Congrégation des Sœurs de la Doctrine Chrétienne de Nancy en France, actuellement conseillère générale.
- Elle a une licence (master) en philosophie de l’Université de Kisangani en République démocratique du Congo,
- un graduat en philosophie au Philosophat Edith Stein de Kisangani en R. D. Congo. Elle est première femme diplômée en philosophie de cette Institution, et
- un baccalauréat en Théologie de l’Institut catholique de Paris (France).

Travaux universitaires :
- Education de la femme et développement. Relecture de la pensée d’Albertine Tshibilondi. Mémoire de Licence, Département de philosophie, Faculté des lettres et sciences humaines, université de Kisangani, 2015.
- La pensée peut-elle être indispensable pour la prise de conscience de la condition féminine au Congo ? Proposition d’Edith Stein. Mémoire de graduat, Philosophat Edith Stein, Kisangani, 2001.
Publications
- Collectif, Visage de la Doctrine Chrétienne : La Spiritualité des Sœurs de la Doctrine Chrétienne au fil de l’histoire. Début 18è siècle à nos jours, 2010.
- "Exploitation abusive des forêts du Congo", dans I.R.S.I. (Instituts Religieux et Solidarité Internationale) ENSEMBLE, Acteurs Actrices de solidarité, n° 9, 2019.
Interview
- "RD Congo 60 ans. Une nouvelle page de notre histoire nationale s’ouvre devant nous", Vatican News, 3 juillet 2020.

Expériences professionnelles :
1997-1998 : Enseignante à l’école primaire Belia/ Punia en R.D.Congo.
2005-2010 : Enseignante de philosophie, de religion, d’éducation à la vie et de français au Collège Notre-Dame de Bumba en R.D. Congo.
2010 à 2018 : enseignante au Collège Maele de Kisangani en R.D. Congo.
Domaines d’intervention
Droits de l’Homme et protection de la nature.
Education, formation, femme et développement
Promotion de la femme (organisation des conférences)
Plaidoirie contre l’exploitation des forêts et minerais en RD Congo.

Contact : CEAFRI

N.B.  : Pour citer de cet article : Félicita Mpala, Libérer la femme pour libérer l’homme : Condition fondamentale pour une parité efficace", sur www.ceafri.net, 04/10/2020. Tous droits de reproduction réservés au CEAF&RI. Voir Mentions légales. Pour nos nouveautés, liker et s’abonner à notre page Facebook Ceaf&ri


[2Conférence tenue au Philosophat Edith Stein de Kisangani (R.D. Congo), en sa fête patronale le 19 mai 2018 et revue

[3Lire Albertine Tshibilondi Ngoyi, Enjeux de l’éducation de la femme en Afrique. Cas des femmes congolaises du Kasaï, Paris, L’Harmattan, 2005.

[4Constitution de la période de Transition de la République Démocratique du Congo de 2003, art. 51, actualisée et amendée en 2005.

[5J. Munda, Mal dans ma peau, éd. Pauline, Kinshasa, 1999, p.13.

[6Y. Lisasi, Appréciation du travail des femmes par leurs collègues dans quelques entreprises privées de Kisangani. Mémoire de Licence en Psychologie, UNIKIS, FPSE, 2012. (Inédit)

[8Eeas.europa-eu/archives/delegations/canada/documents/news/patricia_lopezpdf

[9Idem