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Quinzaine du CEAF&RI sur l’interculturel. Dialogue interculturel point de vue d’un Africain
dimanche 20 avril 2008, par
Dialogue interculturel. Point de vue d’un Africain.
Dans le cadre de l’année européenne 2008 du dialogue interculturel, le CEAF&RI organise une série des conférences « QUINZAINE du CEAF&RI sur l’interculturel ».
Parmi les principaux domaines concernés, on retrouve donc l’éducation, la jeunesse, le sport, la citoyenneté et bien entendu, le domaine de la culture qui y occupe une place de choix. Notre initiative se concentrera en particulier dans le domaine culturel et portera sur le thème du dialogue interculturel dans tous les domaines où il pourrait contribuer à la construction d’un mieux "vivre ensemble".
Ainsi, Vendredi 22 février 2008 à Bruxelles, c’est le Docteur Sylvain Kalamba , auteur de « Fatigué d’être Africain ? » qui a lancé le débat.
Mieux nous comprendre pour mieux vivre ensemble.
Il n’est pas facile d’aborder la question des conditions du dialogue interculturel, a avoué le Dr. Syvlain Kalamba Nsapo. On risque de tomber dans une abstraction. Il est plus plutôt pertinent de se demander : quels sont les points qui mettent en cause la vie en société ou le vivre ensemble et qui nécessitent un dialogue ? Il s’agit d’une interpellation pour examiner nos relations interpersonnelles et interculturelles dans le respect de nos différences.
Plusieurs exemples peuvent être évoqués pour illustrer la difficulté d’un dialogue entre les cultures et les peuples. Sylvain Kalamba a choisi l’exemple d’un débat sur la monogamie et la polygamie entre un citoyen du Nord et celui du Sud dans un échange académique. Quel modèle peut être universalisable et au nom de quel argument ou jugement de valeur, s’est-il demandé ? Est-ce la monogamie, comme faisant partie du patrimoine culturel du citoyen du Nord, ou bien, la polygamie comme faisant partie de la tradition du citoyen du Sud ? Qui peut trancher sur ces questions ? On peut remarquer que le dialogue est parfois même difficile au sein d’une même culture. Sur ces questions, il peut y avoir une divergence des points de vue, au sein d’une même culture, entre les hommes et les femmes. Ces dernières jouent un rôle essentiel dans la transmission des valeurs, d’où l’Enjeu de l’éducation de la femme en Afrique.
La culture n’est donc pas figée
Loin de tomber dans le relativisme, Sylvain Kalamba prône la relativité culturelle. Il n’y a pas une culture supérieure à une autre. Il privilégie la connaissance et le respect mutuels, nécessaires pour mieux nous comprendre afin de mieux vivre ensemble.
Il a voulu montrer la difficulté d’universaliser une manière d’être et de faire, et donc une certaine difficulté de dialogue interculturel. Cet exemple doit nous faire penser aux différences qui sollicitent, dans notre quotidien, le dialogue pour mieux nous comprendre. Le dialogue interculturel devient ainsi une réflexion sur les manières d’être et de faire évoquées qui s’entrechoquent. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut parler de ce dialogue ou d’un autre concept dans l’abstrait, a insisté le conférencier. Ce qu’on observe, ce sont des manières d’être et de faire qui ne sont pas toujours universalisables et qui constituent nos particularités et nos différences qui sont une richesse.
La multiculturalité est donc un constat, un fait évident constitué par une mosaïque de peuples, de langues, de manières d’être et d’agir, etc. Elle est la conséquence naturelle de l’immigration et de la mobilité géographique.
Par contre l’interculturalité reste un programme et un projet à construire ensemble dans notre société multiculturelle. Le conférencier a saisi cette occasion pour encourager le Centre d’Etudes Africaines et de Recherches Interculturelles pour son initiative de « Quinzaine sur le dialogue interculturel », projet qui contribue à cette compréhension personnelle et interpersonnelle.
Mais quelles sont les conditions d’un dialogue interculturel digne de ce nom ?
Pour aborder ces conditions, Sylvain Kalamba nous a proposé une approche à partir de son ouvrage au titre provocateur : « Fatigué d’être Africain ? ».
Ce livre évoque la situation du peuple africain qui nage entre les eaux, ballotté entre son africanité et la modernité occidentale. Le titre de cet ouvrage est une interrogation qui incite à en savoir un peu plus sur l’Africain en contexte interculturel.
Dans cette errance totale, il y a deux attitudes paradoxales que les Africains peuvent adopter. Soit, une attitude de fatalité où les Africains se lassent ou sont lassés de promesses non tenues de leurs chefs. Il s’en suit un cri de colère du drame historique qui se nourrit des réflexes de subordination, du complexe d’infériorité et du mépris de soi.
Ou bien, d’autres Africains ont opté, comme l’auteur, pour la construction d’une nouvelle vision de l’avenir.
Il jette les bases d’un nouvel imaginaire susceptible de développer des images dynamiques, valorisantes, qui permettent la refondation de l’Afrique et des peuples nègres. Il s’agit d’un travail de longue haleine qui sollicite un commencement. Sylvain Kalamba a conscience de la difficulté de la tâche et note à ce sujet : « ce qui commence est souvent déviant et marginal. On ne peut rien faire sans espoir, en se cantonnant dans la mélancolie, l’indifférence ou la résignation. La grandeur de la cause nègre doit nous donner le courage, la volonté et l’espérance d’un nouveau matin du monde ».
Ne nous faudrait-il pas une culture du respect de la différence ; une culture de la réciprocité et du respect mutuel. Pour ouvrir le débat, Sylvain Kalamba a relevé la nécessité d’un travail de restitution de la vérité historique et théologique qui montre l’apport des Africains ou de la civilisation Nègre dans tous les domaines.
Le débat suscité par cette conférence montre l’intérêt de ce thème que nous poursuivrons dans nos prochaines « Quinzaine du CEAF&RI sur l’interculturel ». Reprenons brièvement quelques questions du débat autour des difficultés pour établir les conditions de possibilité d’un dialogue digne ce nom. Ne faudrait-il pas une modestie dans cette quête si l’on veut dialoguer avec l’autre ou l’autre culture ? Quelle culture détient toute la Vérité ? Ne faudrait-il pas accepter et respecter nos multiples identités, nos différentes communautés linguistiques, régionales et communautaires, i.e. en Belgique où la crise perdure ? N’oublions pas que parfois les identités peuvent être meurtrières . Une autre question concernait la responsabilité partagée des Africains. Au lieu de se considérer toujours comme victime, l’Africain ne devrait-il pas résister à la fatalité en s’engageant pour construire une autre Afrique différente de l’image que les médias véhiculent. Il y a eu également un appel aux citoyens européens de refuser l’exploitation de l’Afrique. D’où la nécessité de délégitimer une culture de la pensée unique véhiculée par la mondialisation néo-libérale.
On ne peut conclure un tel sujet qui n’est qu’un commencement du dialogue à poursuivre dans nos prochaines quinzaines du CEAF&RI sur l’interculturel. Un premier dialogue réussi par la qualité du débat et des participants. Ce fut une opportunité d’un échange riche de nos diversités, pour une construction d’une nouvelle vision de l’Avenir de l’Afrique et du Monde. Le dialogue interculturel est non seulement indispensable entre les peuples dans notre relation interculturelle, mais aussi incontournable pour la Paix dans le monde.
Albertine Tshibilondi
CEAF&RI