Accueil > Domaine recherches interculturelles > Spiritualités et Religions > Dieu et violence en Afrique. La religion instrumentalisée !

Dieu et violence en Afrique. La religion instrumentalisée !

vendredi 27 juillet 2018, par Albertine

Si en Europe l’espace religieux semble se rétrécir, en Afrique, par contre, il s’élargit et envahit tout, même si l’agnosticisme reste toujours un phénomène réel. On s’attendrait alors à ce que la religion soit une force de paix et de reconstruction du continent, c’est juste le contraire...

Des conflits dit "religieux"

Dans bien d’endroits, on assiste à des conflits « dits religieux ». Or dans bien d’endroits, on assiste à des conflits « dits religieux ». La violence religieuse est comme une véritable hydre. Elle se nourrit d’idéologies fondamentalistes. Pourtant, toute religion est au service de la Paix.

Le serpent de la violence

La violence est difficile à définir . Elle est comme inhérente à la vie des personnes et des sociétés. Elle peut être agressivité et combativité. Elle est alors est au principe des actions humaines individuelles ou collectives. Malheureusement, elle peut être aussi destructivité, elle menace alors la stabilité des relations des hommes entre eux, que ce soit en politique (intérieure ou extérieure), en société ou en religion.

La violence accompagne souvent des moments de crise. Dans de nombreuses sociétés traditionnelles, une figure sert à symboliser cette crise et cette violence, celle du serpent qui se mord la queue. C’est l’image d’une société à bout de souffle, d’une société qui se meurt :

- soit par suicide parce qu’elle a introduit en elle des éléments mortifères qu’elle n’est plus capable de maîtriser, faute d’antidotes efficaces ;

- soit par euthanasie, parce qu’elle se laisse mourir ;

- soit par sclérose, incapable de se renouveler .

Fragiles, impuissantes, même quelque peu fatalistes, ces sociétés peuvent emprunter les chemins multiformes de la violence et de la brutalité, en l’occurrence de la violence religieuse. Ce qui se traduit par les drames sanglants vécus dans de nombreux pays africains où la population est majoritairement croyante, composée de chrétiens, de musulmans et d’adeptes de la religion traditionnelle.-----

La religion au risque des fondamentalismes

La vogue du religieux en Afrique s’accompagne aujourd’hui d’un engouement pour les écrits sacrés : le Coran pour les musulmans et la Bible pour les chrétiens. Malheureusement, il peut s’agir d’une lecture fondamentaliste, qui peut friser l’irrationalité, voire aboutir à un véritable suicide de la pensée.

Les croyants tentés par le fondamentalisme pensent trouver dans les écrits sacrés des réponses à des questions et à des attentes concrètes. Pourtant, cet attrait risque d’installer dans l’illusion. Il éloigne de la vérité religieuse, en refusant de tenir compte des médiations du langage humain et de l’histoire.

De plus, le fondamentalisme peut avoir des conséquences existentielles et éthiques désastreuses. Dans les moments de crise, il peut faire de la Bible ou du Coran un instrument magique dont on attend tout et rien ! Il amène ainsi à cautionner les guerres et ses atrocités. Les fondamentalistes peuvent ainsi justifier l’idolâtrie de la violence.

En outre, ce retour fondamentaliste aux sources des livres sacrés s’accompagne d’un effondrement des repères. L’environnement socio-culturel africain et mondial s’est complètement effrité . On note désormais une véritable défiance vis-à-vis des institutions et des valeurs traditionnelles, aussi bien socio-culturelles, politiques que religieuses.

Or, les sages censés en garantir les fondements en ont été dépossédés. Ils sont désemparés dans une Afrique en pleine mutation. L’effondrement éthique pose la question des valeurs censées garantir la stabilité des institutions et des repères. Dans ce contexte, que reste-t-il des valeurs africaines et religieuses de vie, de fraternité, de tolérance, de dialogue ?

Il n’est pas alors surprenant qu’on soit gagné par les idoles qui sécrètent la violence. Qu’on pense aux idoles de la race, de la tribu, du parti politique, de la région, religion, souvent savamment exploitées pour conquérir ou conserver le pouvoir. Ayons également à l’esprit les idoles de la force avec ses avatars : la brutalité, la torture, le viol...

En somme, une lecture fondamentaliste des textes sacrés et de l’histoire peuvent susciter des « guerres de religion » qui sont de tragiques crises issues de la déstructuration du tissu socio-économique et politique, du délabrement des structures administratives, des frustrations engendrées par la mal-répartition régionale de la richesse nationale …-----

La religion au service de la Paix !

Les violences « religieuses » constituent donc un aspect de la crise multidimensionnelle que traverse l’Afrique, à un moment décisif de son histoire. La violence montre à quel point la personne humaine peut déchoir dans l’irrationalité et la bestialité les plus extrêmes. Mais, elle aussi révélatrice de la capacité d’extrêmes générosités, de dépassements, d’héroïsmes. Elle n’est pas une fatalité. C’est une hydre dont on peut écraser la tête. En effet, la société peut desserrer les étaux de la violence, réaliser un saut qualitatif et s’ouvrir des chemins inédits de paix.

C’est en ce sens, qu’il convient d’encourager le travail de tous ceux qui, sur le plan politique, sécuritaire, social et médical s’efforcent de stopper les incendies de la violence. De même, il faut se réjouir du travail des instances judiciaires nationales et internationales qui traquent les aux pyromanes et leurs complices qui se prélassent, insouciants, dans des retraites dorées en Afrique ou en Europe. Enfin, comment ignorer ceux qui, au quotidien, s’efforcent de réconcilier des concitoyens traumatisés par la violence ?

Certes, à tous les moments de l’histoire, la tentation est grande d’instrumentaliser la religion pour assouvir nos ambitions, nos soifs de violence. Alors, on s’abandonne aux idoles de l’irrationalité, de la haine et de la brutalité. De plus, « il est plus facile de désarmer les gens que de désarmer les cœurs », comme le disait en substance une journaliste de Radio France Internationale. Elle n’avait pas tort !
D’où l’importance d’un travail œcuménique d’intellectuels de divers horizons qui réfléchissent sur les crises et les mutations socio-économiques du continent et du monde . En effet, la globalisation suscite des réflexes identitaires . Ils prennent des formes nationalistes, tribalistes ou religieuses. Il appartient à ces penseurs et à ces « antidotes » de la société de proposer ensemble un projet de société inclusif.

Alors pourrait-on se rappeler que le Dieu qu’adorent tous les croyants est Celui qui désarme les mains, les esprits et les cœurs ! Toute religion est au service de la Paix !

Paulin POUCOUTA,

Institut Catholique de Yaoundé

CEAF&RI